Parfois, les journées sont difficiles. Parfois, on se sent seule au monde. Seule avec des problématiques qui ne nous appartiennent pas. Seule dans les différentes salles d'attente où nous siégeons encore et encore (évaluations obligent). Seule avec cette inquiétude qui nous ronge jour après jour de ne pas savoir ce qu'il adviendra de ces petits êtres qui dépendent autant de nous et le seront bien plus longtemps encore que vos petits êtres à vous. Seule devant tant de gens qui semblent tous savoir mieux que nous ce qu'il est bien de faire et ce qui est à proscrire, ce que nous devons penser et surtout ne pas dire. Seule devant les multiples systèmes aux portes desquelles nous devons frapper sans relâche en espérant que quelqu'un réponde. Seule devant les thérapies à mettre à place, à appliquer et surtout à poursuivre. Seule devant toutes nos interrogations du moment ainsi que devant celles qui viendront. Seule, même quand on est deux. Seule, même si la planète entière tente de nous convaincre qu'elle est derrière nous. Seule, même quand l'amour de nos proches se déverse sur nous comme la pluie qui vient avant le beau temps.
Aujourd'hui, l'espace de quelques instants, je me suis sentie seule face à la solitude d'une maman comme moi. Une maman qui, après 5 longues années d'attente et plusieurs heures d'évaluation, s'est vu refuser les services du CRDI de sa région. Selon les spécialistes, la déficience intellectuelle de son fils n'est pas assez importante. (Mais dites-moi, quand est-ce qu'on est assez déficient?)
Aujourd'hui, j'ai vu ses yeux tristes, son manque de sommeil et son découragement. J'ai senti la douleur de son corps et celle de son cœur. J'ai vu en elle ce que je cache en moi depuis plusieurs mois... La peur d'un avenir sombre pour un enfant dont on ne connaît pas encore tous les secrets. La colère d'avoir l'impression que le système la laisse encore tomber. L'envie de vouloir se battre sans vraiment savoir sur quel adversaire frapper. Le désir de crier plus fort, plus longtemps et espérer que quelqu'un nous entende enfin!
Aujourd'hui, je l'ai étreinte au point d'en avoir le souffle coupé. Elle aurait probablement voulu pleurer, mais ses dernières larmes ont été versées cette nuit contre l'épaule de son mari.
Aujourd'hui, nous avons parlé des listes d'attentes, des changements d'intervenants (qui entrent et sortent de nos vies à une vitesse fulgurante!), de notre incompréhension des ressources qui s'offrent à nous pour finalement nous laisser tomber...
Aujourd'hui, j'aurais voulu prendre sa solitude et la transporter un peu pour elle, qui commence à courber l'échine devant autant de déception, de désillusion et d'incertitudes face à l'avenir.
Aujourd'hui, je lui ai dit que nos enfants différents auront certainement fait de nous des êtres à part, des êtres qui auront dû se battre pour obtenir tout ce à quoi ils ont droit. Je lui ai dit que nous y arriverions, mais je n'ai pas su lui expliquer comment.
Aujourd'hui, je lui ai dit qu'au-delà des défis, il y aurait pour nous la certitude que l'on se sera battue sans armes devant un système blindé. Et plutôt que de croire qu'il n'y a pas de place dans notre société pour les enfants différents, il faudra continuer d'avancer pour faire place aux Mamans différentes, celles qui se montreront solidaires entre elles et iront au front ensemble. Celles qui pourront compter l'une sur l'autre pour continuer de grandir, comme un tuteur pour un plant de tomates. Car peu importe ce que les autres diront, nous serons celles qui auront fait mûrir les plus beaux fruits.
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Ouf quel beau texte. Rempli d'émotions.
RépondreSupprimerJ'ai pensé à toi aujourd'hui en lisant ceci:
http://www.lesimparfaites.com/2012/02/respirer-son-bonheur-ca-vous-dit.html
Bonne soirée!
Merci pour le liens! J'avoue que jacinthe rené m'a un peu fait flipper lors de l'entrevue à TLMEP.... Chacun son bonheur ! Je respire le mien à chaque fois qu'il passe! :-))
SupprimerC'est un cri cet élan du coeur et de l'esprit. Ta finale est merveilleuse. Une lueur d'espoir dans ce long tunnel qu'est le système...
RépondreSupprimerJe te souhaite bonne chance. Ta détermination et ta sensibilité t'apporteront quelque part, j'en suis certaine. Et l'amour que tu portes pour cet enfant, encore plus loin.
Merci Michèle! Les défis que nous apportent notre enfant cultive en nous le désir de faire toujours mieux. Nous sommes en quelques sorte les jardiniers de sa vie, et ce pour encore plusieurs années! :-)
SupprimerSi criant et touchant.
RépondreSupprimerJ'ai espoir que vous, les mamans différentes, allez faire la différence! :-)
Merci...aujourd'hui, fiston Tupperware va bien... Mais ce n'est pas une garantie pour demain. Un jour à la fois , parce que ça ne sert à rien de vouloir aller plus vite. :-)
SupprimerOuf, quel billet touchant et inspirant. Je suis maman à la maison d'un garçon différent. Je suis une maman différente. À tous les jours, j'ai l'impression d'aller seule au front. Les téléphones, les rendez-vous, les plans d'interventions, les évaluations, les listes d'attentes, les refus... En tant que jardinière de sa vie, je déterre peu à peu ses secrets et je cultive l'espoir. Merci Michelle pour ce magnifique billet que je conserverai précieusement.
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