Assise
dans le bureau éclairé, j'écoute mon conjoint parler. Nous sommes
ici pour moi, parce que je l'ai demandé. J'avais besoin d'un lieu
neutre pour laisser sortir sans censure les émotions qui me pèsent
depuis plusieurs mois. J'avais besoin d'aide pour classer tous les
dossiers qui s'empilent dans ma tête et qui me donnent sans cesse
l'impression que la tâche à accomplir est gargantuesque.
J'ai
toujours eu l'impression que je vivais chaque émotion au moment même
où je la ressentais. Je faisais erreur.
Après
près de deux années de rendez-vous, d'évaluations et de tracas
pour notre aîné, j'ai mis notre vie en suspens. La mienne, la
sienne, la nôtre, la leur. Je suis passée en mode survie, espérant
pouvoir reprendre plus tard les choses là où je les avais laissés.
Il semble que cela ne soit pas aussi simple. Je me suis perdue entre
deux rendez-vous, quelque part entre un rapport de psychologie et un
guide de pharmacologie. J'ai retenu mon souffle le temps de la course
folle aux spécialistes et je commence à manquer d'air.
Je
ne suis pas triste, je ne pleure pas. Je m'efforce de sourire, je
réponds que je vais bien, je blague quand c'est le moment et j'ai
même beaucoup de plaisir au quotidien. Mais parfois, pas très
souvent, j'ai l'impression que toute notre vie ne tient qu'à un fil.
Qu'il suffirait d'une vague un peu trop forte ou d'une rafale
inattendue pour que tout ce que l'on transporte à bout de bras
s'écroule, aussi bêtement qu'un château de cartes!
Je
dors bien, je mange sans difficulté, j’ai suffisamment d'énergie
pour aller au gym plusieurs fois par semaine et pour accompagner mes
enfants à chacune de leurs activités, mais il y a un ours dans la
salle. Je l'ai vu du coin de l’œil et je le surveille. Pour le
moment, il est calme, ne grogne pas, mais m'envoie parfois sur la
nuque un souffle chaud que je n'apprécie pas.
Je
me décide donc, avec l'aide d'une professionnelle et de mon
conjoint, à apprendre un nouveau métier. Je veux savoir maîtriser
l'ours avant qu'il ne se manifeste ou qu'il ne montre les dents.
Je
souris tous les jours et mon sourire est sincère. Je ne suis pas
triste à chaque instant, mais la tristesse me guette à chaque
moment. Je suis forte, mais je n'abuserais pas de ma force. Il vaut
mieux savoir dompter l'ours plutôt que d'apprendre à lui survivre.
Assise
dans le bureau éclairé, j'écoute mon conjoint parlé. Je remercie
le ciel de l'avoir, parce que je sais maintenant que si l'ours me
touche... il aura affaire à bien plus fort que lui!
Image internet |
Tu fais preuve de beaucoup de sagesse. La force, c'est souvent de pouvoir reconnaître ses propres limites et d'user de stratégies pour prendre le dessus sur l'autre...
RépondreSupprimerJe suis avec toi...
RépondreSupprimerSolidairement.