Le désir d'être mère n'est pas qu'une question d'amour. À mon avis, ce désir relève du viscéral. Vous savez, le genre de chose que l'on désire au point d'en pleurer quand on ne l'obtient pas.
La vie m'a donné le privilège d'avoir trois enfants. Je me considère extrêmement chanceuse, voire même bénie, de n'avoir jamais eu de difficulté à être enceinte.
Depuis quelque temps, je parcours les blogues qui relatent principalement des histoires sur la maternité, le désir d'avoir des enfants et la tristesse que vivent certains parents suite à la perte d'un enfant. J'ai lu quelques textes particulièrement bouleversants et cela m'a remémoré des souvenirs que j'avais remisés au plus profond de mon cœur.
J'ai eu mes trois enfants par césarienne, décision prise afin d'assurer ma sécurité et celle de mes enfants à naître. Lors de la naissance de mon aîné, j'ai tout fait pour avoir un accouchement naturel. Je me suis même entêtée au point de mettre ma vie en danger ainsi que celle de mon grand garçon. Après 22 h de travail et 2 h de poussées, le médecin a décidé que je n'étais plus maître à bord. Le cœur de mon fils décélérait et mon état était instable. En moins de deux, je me suis retrouvée en salle d'opération, terrorisée. J'ai fait mes adieux à mon conjoint, certaine que je ne survivrais pas à toute cette histoire! À 6 h 41, mon fils est arrivé dans nos vies. Il ne respirait pas. Le corps flasque et bleuté, il a dû être réanimé. L'équipe de réanimation a été exceptionnelle. Ensuite transféré à l'unité de néonatalogie, mon bébé de 9.8lbs me rejoindra dans ma chambre un peu plus de 24hr après sa naissance. Mis à part quelques ennuis de routine dont souffrent les enfants de mère diabétique de type I, il s'en est sorti sans séquelle.
En 2009, alors que je m'apprêtais à donner naissance à ma fille, j'ai vite réalisé que je n'avais pas du tout envie de revivre une expérience aussi difficile que la première fois. J'espérais tout de même avoir la possibilité d'essayer un petit peu d'accoucher. Le médecin de garde lors, d'un non-stress test de routine, préférait que j'opte pour la césarienne. À 36 semaines de grossesse, ma fille pesait approximativement plus de 8 lb et comme mes besoins en insuline avaient diminué de plus de 30 % et que la petite était moins vigoureuses, il était préférable que la césarienne ait lieu illico. (Notez que j'étais tellement certaine que tout allait bien que je n'avais PAS apporté ma valise malgré les recommandations de mon médecin traitant. Oups!) Alors quelques heures plus tard, ma petite fille voyait le jour. Elle était en pleine forme, respirait par elle-même et n'a pas eu besoin de séjourner à l'unité néonatale, du moins pas avant 18 h de vie. Par la suite, les ennuis de routines se sont pointés et elle a été transférée pour une courte période afin d'être hydratée et de contrôler l'hypoglycémie qui la rendait somnolente. Qu'à cela ne tienne, nous avons pu quitter le centre hospitalier après une semaine.
En 2010, alors que j'étais à presque 35 semaines de grossesse pour mon petit dernier, je me suis présentée à la salle d'accouchement à la demande de mon endocrinologue. Diminution des besoins en insuline, diminution des mouvements fœtaux... Bref! La routine. Comme je savais, grâce à mes expériences antérieures, que notre fils risquait d'être admis à l'unité néonatale, j'ai demandé à consulter le pédiatre de garde afin de m'assurer que ce petit bonhomme serait admis dès sa naissance plutôt que d'attendre que les problèmes se pointent le bout du nez. On m'a rassurée sans prendre d'engagement formel. Nous verrions bien!
Lors de mon arrivée en salle d'opération, l'anesthésiste est venue me rencontrer pour discuter d'un problème de santé pour lequel je ne m'étais jamais inquiétée outre mesure : une sténose spinale importante au niveau de la colonne et localisée exactement au site d'insertion de l'anesthésie rachidienne. Cette compression médullaire, conséquence de deux hernies discales importantes, m'avait posé plusieurs problèmes pendant ma grossesse : engourdissements au niveau des jambes, pertes de sensibilité et douleurs atroces. Nous avions géré le tout et je savais qu'après la césarienne, les choses iraient mieux. Je n'en avais jamais fait de cas.
L'anesthésiste par contre voyait là un problème majeur. Elle me demanda donc d'accepter de subir ma césarienne sous anesthésie générale. Elle craignait que l'insertion d'un cathéter entre mes vertèbres ait des conséquences sur ma compression médullaire. Selon elle, il y avait de fortes chances que je ne remarche plus jamais...
Sous le choc et horrifiée par l'idée de ne pas être consciente au moment de la naissance de mon fils, j'ai refusée. Je n'ai pas de peur majeure, mais l'anesthésie générale est au sommet de mon palmarès. Comme infirmière, j'avais déjà vu des patients descendre en salle d'opération et... ne jamais revenir! J'ai donc signé une décharge expliquant que j'avais compris les risques encourus et qu'advenant le cas où je devenais paraplégique après l'anesthésie, je ne pourrais pas accuser le médecin de faute professionnelle ou poursuivre le centre hospitalier.
Bien sûr, avant de signer, j'en ai discuté 8 secondes avec mon conjoint. Je lui ai expliqué ma peur et je lui ai demandé son accord. Je lui ai aussi demandé ce qu'il adviendrait de notre couple si je ne devais plus jamais remarcher... Il a répondu qu'il pousserait mon fauteuil. Fin de la discussion.
Malheureusement, après 7 tentatives d'installation de l'anesthésie rachidienne, des douleurs atroces et une jambe gauche qui ne répond plus aux commandes... j'ai dû me résigner. Je ne pourrais pas subir cette césarienne autrement que sous anesthésie générale. Avant d'accepter la procédure, j'ai réclamé mon conjoint. En larmes, je lui ai demandé pardon. Je lui ai demandé de me pardonner de le priver lui aussi de la naissance de cet enfant. Sous anesthésie générale : pas de spectateur, pas même le papa!
Au moment de procéder, l'anesthésiste ma dit ceci : « Je n'en ai pas perdu une! Je ne vous perdrai pas. Je serai auprès de vous à votre réveil. Je vous le promets. » J'ai fermé les paupières et j'ai manqué la venue au monde de mon fils.
Au-delà du désir viscéral d'avoir un enfant, il y a le désir d'être présente et entière lors de son arrivée dans notre vie. Plusieurs qui comme moi ont eu des enfants savent à quel point le premier contact avec son nouveau-né est intense. Je n'ai pas été la première à prendre mon enfant, ni même à l'embrasser, car en plus d'avoir manqué son premier souffle, j'ai manqué sa première journée.
Mon bébé pesait 10lbs – un mammouth —, mais il n'était pas en grande forme. Il a eu besoin de soins spécialisés pendant 24 h, entraînant donc un séjour à l'unité néonatale.
Quand j'ai pris mon bébé pour la première fois, j'ai été heureuse. Autant que pour les deux autres. Mais je reste avec le goût amer de ces instants volés, de ce premier baiser que je n'aurai pas donné au moment où j'aurais voulu le donner.
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Mon bébé Mammouth! |
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Pourquoi ce si long billet me direz-vous? Et bien parce que cette semaine j'ai lu l'histoire d'une femme qui a vécu une situation similaire. Elle a dû vivre non pas une, mais bien deux césariennes sous anesthésie générale. Tout comme moi, elle a manqué un événement que personne ne pourra jamais lui rendre.
Comme plusieurs le savent, les lecteurs de blogues ont la possibilité de laisser leurs traces suite à leurs lectures : des commentaires, des opinions ou de simples salutations. Beaucoup de lectrices ont laissé des commentaires suite au billet publié par Maude Goyer. Des messages de reproches s'adressant à cette mère qui nous parlait ouvertement du deuil de la naissance de ses enfants, de la tristesse qu'elle avait vécue. Des messages dépourvus d'empathie qui relayait cette femme à la catégorie des « tu te plains le ventre plein! Tu auras au moins eu la chance d'avoir des enfants TOI! Moi, je ne peux pas! » Des messages qui lui prêtaient l'intention de ne pas apprécier la chance qu'elle a d'avoir deux enfants en santé.
Voici donc ce que j'ai à dire à ces gérantes d'estrade qui se croient au-dessus de la mêlée :
Cette femme a le droit de dire ce que son expérience lui a fait vivre. La maternité n'est pas uniquement d'être capable ou pas d'avoir des enfants. La maternité est quelque chose qui se vit dès l'instant où l'on commence à planifier d'avoir enfant. C'est le rêve d'un enfant en santé, peu importe le genre. C'est l'attente de voir enfin l'enfant qui s'est caché au plus profond de notre être pendant près de 40 semaines. C'est d'avoir hâte au point d'aller errer dans la chambre de bébé pour toucher aux pyjamas, caresser une peluche, placer et replacer le mobilier.
Alors que celles qui jugent que ce billet était une complainte, allez relire! Cette maman n'a aucun regret, elle aurait simplement voulu que les choses se déroulent autrement. Et si vous n'êtes pas en mesure de faire preuve d'un peu d'empathie face à ce qu'elle a vécu, demandez-vous un jour ce que vous répondriez à ceux qui vous disent de vous tourner vers l'adoption plutôt que de dépenser une fortune en traitements de fertilité?... Vous rédigeriez probablement un billet sur le manque d'empathie dont vous avez été victime!
Alors à Sophie Allard je dis ceci : je comprends ton deuil et je te souhaite que la douleur s'estompe au fil du temps. Je te remercie d'avoir partagé ton histoire et je te prie de laisser les commentaires des mégères commentatrices aux oubliettes! Bonne chance pour la suite!