Je suis née un 12 juin, d’une mère célibataire. Je suis le résultat d’une union nébuleuse entre un homme d’affaires musulman et une femme québécoise en quête d’amour. Je suis le résultat d’une histoire sans lendemain, stratégiquement orchestrée pendant la période féconde d’une femme qui n’a jamais rien eu à elle. Je suis née avec le mandat d’assurer à une femme mal aimée un amour inconditionnel. Je suis née, comme tous les enfants naissent mais je vivrai toujours un peu différente.
Je ne suis pas un projet de vie. Je ne suis pas le résultat d’un désir commun. Je n’ai pas été rêvé par deux êtres fusionnels qui se reconnaissaient l’un dans l’autre. Je n’ai pas été imaginée par deux êtres enlacés, qui après s’être unis, espéraient mon existence. Personne n’a discuté de moi avant mon arrivée. Personne ne s’est demandé si j’étais une fille ou un garçon. Personne ne s’est demandé si j’allais avoir les cheveux bruns ou blonds, les yeux bleus, verts ou bruns. Personne ne s’est disputé pour le choix de mon prénom. Personne ne s’est questionné sur la couleur de ma future chambre à coucher, sur mon premier pyjama ou sur ma première peluche. Personne.
Avant même de naître, j’étais une mission accomplie. Une certitude. Une acquisition pour le futur. Une propriété privée, isolée du monde extérieur afin de préserver l’objectif ultime : l’authenticité la plus authentique de l’amour inconditionnel. J’ai été créée pour combler le plus grand vide affectif que la terre ait porté. Je suis née, pour être aimée d’une seule et unique personne, ma mère.
Ceci étant dit, je n’ai pas été vraiment malheureuse. J’ai vécu les premières années de ma vie en transit entre ma mère et ma grand-mère. Monoparentalité oblige, le travail à temps complet était de mise. J’ai donc vécu les deux premières années de ma vie chez mes grands-parents, où ma mère venait me chercher un weekend sur deux et une journée par semaine. Monoparentalité oblige, j’ai vécu en garde partagée les deux premières années de ma vie. Petite enfance oblige, je n’ai aucun souvenir de tout ça.
À l’âge de deux ans, ma mère obtient un poste permanent de jour. Je vivrai donc avec elle à partir de ce moment, et ce, jusqu’à l’âge de 19 ans. Monoparentalité oblige, je passerai ma petite enfance à me faire garder par ma grand-mère et mes tantes, pendant que ma mère gagne sa vie pour subvenir à la mienne. Petite enfance oblige, je n’ai aucun souvenir de ça non plus.
Trente années plus tard, je suis une adulte fonctionnelle. J’ai un conjoint, des enfants, des amis, une carrière et des projets. Je ne suis ni traumatisée, ni en colère. Je n’en veux pas à ma mère, je ne la juge pas et je ne lui ferai jamais de reproches. Mais une chose est certaine… j’aurais certainement préféré dire papa avant la naissance de mon premier enfant… à 24 ans…
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