mercredi 17 août 2011

Je vous pari un soutien-gorge!

           Les femmes de mon époque ont beaucoup de chance. Comme moi, elles ont grandies avec la promesse de devenir l'égal de l'homme. Grâce à nos mères, voir même parfois nos grands-mères, nous avons accès à l'université et avons le loisir d'exercer notre droit de vote. Nous avons aussi le pouvoir de mener des carrières professionnelles enrichissantes et variées ainsi que la possibilité de détenir des postes importants. Nous réclamons de nos conjoints leur collaboration aux tâches ménagères, d'être présent pour nos enfants, de connaître le nom du pédiatre, du dentiste et de la madame du service de garde de l'école du plus vieux.


Chaque matin, plusieurs d'entre nous orchestrons nos vies familiales autour d'un horaire impossible: déjeuner, vêtements, cheveux, dents, manteau, chapeau....auto! Chaque matin, plusieurs d'entre nous, le souffle court, n'avons pas le temps pour un dernier câlin ou un dernier baiser. Chaque matin, plusieurs d'entre nous laissons derrière des yeux pleins de larmes et des cris dignes du mur des lamentations. Chaque matin, plusieurs d'entre nous refermons la portière et pressons l'accélérateur pour espérer arriver au boulot à temps, et la crinière pas trop dans le vent.

Personnellement, chaque fois que je laisse derrière mes trois enfants, je débute une réflexion sans fin. Au même titre où les femmes de mon époque ne savent toujours pas si la poule vient avant l'œuf, elles ne savent pas non plus si le combat de l'égalité avait pour but de les aider ou de leur nuire. Chaque matin, mon Bluetooth à l'oreille, je fais un premier appel à mon amie de toute la vie.  Chaque matin, je lui souhaite de survivre à la prochaine journée et je lui demande, la voix pleine d'espoir d'obtenir une réponse satisfaisante : POURQUOI?????? Pourquoi est-ce que je m'inflige cette torture, jour après jour? Pourquoi est-ce que j'accepte de vivre autant de stress, tous les jours de toute ma vie? Pourquoi n'ai-je pas encore trouvé l'argument coup-de-poing, qui me convainque que ce que je fais est bien?

Chaque matin, j'explore la possibilité suivante: et si ma grand-mère n'avait pas brulé sont foutu soutien-gorge, comment ma vie se déroulerait-elle? Serais-je confiné dans une cabane en bois rond, sans eau ni électricité? Devrais-je faire la lessive dans un bac d’eau douteuse, le petit dernier d'une série de 22 accroché à mon sein? Devrais-je diluer le lait avec de l'eau par manque de moyens? Serais-je la victime d'un homme sans valeurs qui me considérerait comme sa propriété? Mourrais-je à 40 ans d'avoir brulé la chandelle par les deux bouts? Peut-être…mais peut-être pas…

Le combat de ma grand-mère était certes d'une importance capitale. Par contre, si vous me permettez, j'aurais quelques petits messages à envoyer dans les astres afin que ma grand-mère comprenne que nous sommes évidemment tombés dans l'extrême! Ne vous méprenez pas! Je suis très heureuse d'avoir le droit de vote, d'avoir pu fréquenter l'université, de pouvoir m'émanciper comme il me plaît. Par contre, je ne supporte plus la double pression qui m'est infligée! Du haut de mes trente printemps, je dois travailler pour subvenir aux besoins familiaux, je dois être disponible pour l'école si un problème surviens avec mon plus grand et je dois mettre tout de côté si mon petit dernier est fiévreux. Je dois aussi m'assurer des suivis médicaux, de la tenue du budget, de ma part des tâches ménagères ainsi que de la gestion chaotique d'un horaire qui demanderait l'ajout de 2 heures à chaque journée et d'une huitième journée à chaque semaine. Idéalement, je devrais être coquette après une nuit blanche, je devrais être en forme pour donner l'exemple à mes enfants et je devrais posséder toute les compétences culinaires nécessaires afin de réussir un gigot d'agneau pas trop piqué des vers... Bref, idéalement, je devrais cuisiner tous les groupes alimentaire trois fois par jours, je devrais demeurer calme quand mes enfants, épuisés de leur journée, hurleront à la mort pour avoir une gomme ou un biscuit et je devrais entretenir ma maison de façon impeccable pour pouvoir manger par terre...Mais dites-moi: QUI MANGE PAR TERRE????

Alors à toutes les grands-mères de ce monde qui ont jugés que leur vie demandait d'être changée afin de pouvoir mener la vie des hommes: la prochaine fois, augmentez donc la taille des petits caractères dans le bas du contrat pour que les générations à venir sachent exactement à quoi s'en tenir. Pour que chaque jeune femme en âge de procréer sache que le statut égalitaire qu'elle a ne la décharge pas des obligations familiales. Et peu importe ce que mes détracteurs en diront, même si je faisais le choix de rester à la maison pour ne pas courir, la vie se chargerait assez tôt de me remettre au visage l'incohérence de mon choix.

À l'ère où les gens désirent un iPhone qui n'existe pas encore, où le gouvernement nous bombarde de pub sur l'importance pour nos enfants de participer à des activités physiques, où le fait de ne pas avoir le câble, la Wii ou l'internet est synonyme de déficience mentale...et bien les parents qui désirent faire un choix éclairé en sont incapables! Comme tout parents, je ne veux pas que mes enfants manquent de chose matérielle, je veux qu'ils participent aux sorties scolaires ou au voyage de fin d'année. Je veux aussi leur offrir des dents bien droites, des orthèses pour leurs pieds crochent, des cours de violon pour leur développement artistique, des cours de natation pour assurer leur survie, des cours d’anglais afin d’assurer leur avenir et des cours de danse…parce que moi, je n’en ai jamais eu la chance.

Je veux le meilleur pour mes enfants. Je veux qu’ils s’épanouissent et soient de leur temps. Je veux qu’ils s’intègrent à la majorité tout en ayant leur propre personnalité. J’exige l’accès à tous les services qui leurs sont nécessaires ainsi qu’à tous les droits et privilèges que la société se doit de leur accorder. Je demande qu’ils soient traités avec égalité et qu’on favorise leur capacité à l’autodétermination. Mais comme je dois travailler pour m’assurer de tout cela, je dois continuellement confier ces mandats à d’autres. Comme je dois travailler, je ne peux être présente à chaque instant pour les aider à découvrir le monde dans lequel ils vivent et à développer leur sens critique face à une société incohérente, axée sur la performance. Comme je dois travailler, je suis perpétuellement insatisfaite de mon rôle parental.

Alors ma chère grand-maman, merci d’avoir obtenue pour moi l’accès à l’université, au bureau de scrutin, aux emplois passionnant et à une rémunération satisfaisante… Mais si c’est à recommencer, pourriez-vous inclure dans vos combats le droit d’une mère à pouvoir élever ses enfants sans devoir faire autant de compromis? Pourriez-vous négocier dès le départ les accommodements travail-famille ainsi que la collaboration de notre société? Parce qu’entre vous et moi… les listes d’attentes dans les garderies seraient beaucoup moins longues et les choix beaucoup moins déchirants si tout le monde s’entendait sur une chose : les enfants des années 2000, comme ceux des années 50, ont le droit de respirer un peu, entre deux activités dirigées. Mes enfants, comme les vôtres, ont le droit d’avoir des parents un tantinet plus zen et certainement plus présent!

Aux détracteurs qui jugeront mon texte archaïque, et à ceux qui me traiterons de déficiente finie, je vous dis ceci : nous verrons bien dans 20 ans ce que nos enfants auront à dire de leur enfance et de leurs parents. Je vous pari un soutien-gorge qu’ils auront bien des choses à nous dire…. Probablement autant que ce que j’aurais à dire à ma grand-mère!


Bon marathon!

1 commentaire:

  1. Moi j'ai choisi de travailler beaucoup moins et de le faire de la maison, le soir ou dans de rares moments de calme, mais courir moins, pas sûre... On ajoute des activités la semaine, pour qu'ils socialisent, ils ne vont pas à la garderie. J'ai voulu être à la maison pour m'occuper des enfants, donc même à la maison on s'est fait un horaire: bricolage, lecture, activité extérieur, chaque semaine on se donne un thème d'activité, d'apprentissages. Je voulais bien rester ici, mon domaine de travail le permettait. Mais il devait y avoir un plus pour les enfants, pas pour le ménage. Je serais outrée si l'éducatrice de mes enfants fesait du ménage quand elles s'occupent deux, je le ferai pas moi-même! Bref, je cours tout le temps quand même et ma maison est bordélique!

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