dimanche 21 août 2011

RESPIRES!!!!!



     Quelques instants et nous saurons… Nous saurons qui, de ton père ou moi, avait raison. Comme tous parents, le simple fait de savoir que tu as tous tes morceaux nous comble déjà de joie. Nous avons déjà pu voir tes petits pieds et tes petites mains. Nous avons repéré, avec l’aide de la technologue, tes reins et ton estomac. Nous savons que tout semble bien se passer pour toi. Maintenant que ces détails sont réglés, nous attendons avec impatience le verdict : fille ou garçon?
     J’ai le cœur qui débat. J’ai la vessie sur le point de rupture… Les yeux tellement ouverts et le cou tellement étirés vers l’écran qu’on dirait que j’essaie de me foutre en bas de la table d’examen! J’ai beau regarder, ce que je vois ne me confirme ou ne m’infirme pas ton genre! C’est épuisant de ne pas savoir….
     Le radiologiste arrive enfin. Il recommence l’examen! Un peu de gel, vire à gauche, vire à droite, la colonne, l’estomac, les reins, mesure du fémur, mesure du périmètre crânien, localise le placenta… Château que c’est long! M’explique que mon bébé sera énorme (rien d’étonnant si on considère que je souffre de diabète de type I), m’explique que je devrai recommencer l’échographie à 32 semaines pour évaluer la croissance de mon bébé… blablabla!!!!! Et enfin… Félicitations! Ce sera une fille!!!!
     La conjonctive jaunie d’avoir engloutie 40 oz d’eau il y a plus de deux heures, je pleure de joie! Enfin, j’aurai une fille! Une petite princesse! Une belle ballerine! Une grande championne! Mon conjoint est ému, il ne touche plus le sol. La première fille de la famille. La première petite-fille de mes beaux-parents. La première petite sœur de mon grand garçon!
     Le choc passé, je m’imagine déjà dans les magasins à la recherche de tous les vêtements roses, de toutes les peluches roses, de tous les doudous roses… Je ne sais pas comment tu t’appelleras, ni à quoi tu ressembleras, mais je sais que tu es attendue et que tu seras choyée!
     Tu as pointé ton nez le 9 février 2008. Tu as l’air d’un bébé inuit! Les cheveux noirs, les yeux noirs, le teint basané. Tu es magnifique, calme… parfaite. Collée contre mon cœur, je te chante les louanges de ton arrivée. Ma petite fille, ma belle Anne-Sophie. J’élabore déjà dans ma tête nos sorties de magasinage, nos discussions de filles, nos soirées pyjamas… Tu es encore petite, mais ne t’inquiètes pas, toi et moi, on en aura des choses à se raconter.
     À ta sortie de l’hôpital, ton grand frère est malade. Il fait une pneumonie. Il tousse, peine à respirer tellement il est congestionné et fait beaucoup de fièvre. Comme il t’aime beaucoup, il est constamment près de toi. Il fait attention pour ne pas te contaminer, mais malheureusement tu contractes son rhume… À ta 13e journée de vie, je dois constamment t’aider à libérer ton nez de toutes ces sécrétions verdâtres qui t’empêchent de boire et respirer. Je commence à être inquiète.
      À ton 14e jour de vie, je sors magasiner avec ton frère et toi. À notre retour, tu refuses de boire. Je m’inquiète… mais je ne vois rien. Je suis infirmière, si tu avais été le bébé d’une amie, j’aurais sûrement remarqué que tu peines à respirer, que tu présentes un battement des ailes du nez ainsi que du tirage. Mais je ne vois rien! Par chance, une amie est avec moi, elle te prend dans ses bras et me regarde d’un air grave. Elle me convainc de t’emmener à l’hôpital afin de m’assurer que tout va bien. Dieu merci je l’ai écouté.
      Après près d’une heure d’attente pour le triage, je reconnais une collègue infirmière de l’urgence à qui j’explique que tu sembles être en difficulté respiratoire. En 10 minutes, le médecin est auprès de toi et me confirme que ta respiration est laborieuse et que tu as certainement besoin d’un petit coup de pouce. L’inhalothérapeute arrive et aspire tout ce qui t’empêche de respirer. Ton père nous rejoint au même moment. Inquiet, il te prend dans ses bras et t’observe. Je fonds en larme dans les bras de mon amie qui n’a pas de mot pour me rassurer. Qui accueille mes larmes et ma culpabilité de n’avoir pas vu que tu n’allais pas bien, que tu ne respirais pas bien. Au même moment, ma vie bascule…
     Je me tourne vers toi. Tu es grise. Ton corps est mou. Tu sembles sans vie… Tu ne respires plus. L’infirmière près de toi voit la même chose que moi. Une panique s’installe rapidement. Je te prends des bras de ton père qui, confus, se lève et me suit… Je cours avec toi dans les bras vers la salle de réanimation. Je crie. Je suis hystérique. Tu es tellement molle que j’ai l’impression d’avoir une poupée de chiffon entre les doigts. Ma petite fille ne respire pas. Va savoir pourquoi, en entrant dans la salle de réanimation je te tape dans le dos, je te secoue presque. Je te crie de respirer! Anne-Sophie, RESPIRE!!!!!!!!!!!!!!!!
     La suite des évènements reste nébuleuse. Je ne sais pas qui était là, je ne me souviens même pas si ton père était auprès de moi. Je sais seulement que mon regard n’a jamais dévié : je n’avais d’yeux que pour toi. Ton petit corps flasque, ton teint grisâtre, tes petites mains bleutées… Le vide en moi était tellement grand et la douleur tellement vive que je ne sais même pas à quel moment tu as repris ton souffle. Je ne sais même pas à quel moment tu as recommencé à respirer.
     Mes souvenirs reviennent au moment où un infirmier me dit que je peux te prendre dans mes bras… où un infirmier me répète que je peux te prendre dans mes bras… où un infirmier s’approche et me dit de te prendre dans mes bras… Délicatement, je soulève ton petit corps et approche mon visage du tien. Tu as le visage presque entièrement couvert par un masque d’oxygène, ton petit bras est immobilisé par une petite planche qui dissimule la tubulure de ton soluté, ton torse nu est couvert d’électrode… mais enfin, tu respires!
     Tu séjourneras 10 jours aux soins intensifs pédiatriques de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. Tu mettras 10 jours à reprendre du mieux et à finalement pouvoir respirer sans aide. En 10 jours, tu me prouveras ta force, ta vigueur, ta volonté. Un mauvais virus respiratoire t’aura permis de nous montrer ta ténacité et ton courage. Pendant ce temps, j’aurai sans aucun doute pleuré toutes les larmes de mon corps, toutes les larmes de mon cœur. J’ai tellement eu peur…
     Aujourd’hui, tu as une peau claire et satinée, les cheveux couleur or et les yeux couleur du ciel. Ta voix est claire, ton esprit est vif, tu es tout simplement magnifique! Comme toutes les petites filles de 3 ans, tu cours, tu chantes et tu danses. Tu adores faire du vélo, aller à la piscine, faire du patin et manger de la crème glacée. Tu fais la joie autour de toi par ton humour et ta capacité à t’émerveiller devant les choses simples. Tu es toujours heureuse, souriante et tu ne demandes jamais rien. Tu respectes les consignes, tu es raisonnable et tu es toujours au bon endroit au bon moment.
     À chaque jour qui passe, je remercie le ciel d’avoir eu une amie, près de moi, pour réaliser que tu n’allais pas bien, que tu ne respirais pas bien. Je remercie le ciel d’avoir écouté cette amie et de t’avoir conduit aux urgences pour que tu reçoives les soins dont tu avais tant besoin…
     Et chaque jour qui passe, je remercie le ciel que ton 14e jour de vie n’ai pas été le dernier.

  

2 commentaires:

  1. Ahhhh ma Michelle exceptionnelle....savait tu simplement que tes enfants sont réyonnant et plein de vie parce qu'ils t'ont dans leur vie!! Toujours pleine de question et plein de doute...tu es tout simplement une personne adorable qui mérite les enfants que tu as.....des amours...je t'aime xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

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  2. Ma belle Michelle... Tu as encore réussi à me faire pleurer. Je me souviens de ces douloureux moments dans ta vie. Même si on ne se parle pas souvent, je pense à toi, je t'aime mon amie ! xxx Roxanne

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