jeudi 26 janvier 2012

Une mère, une fille et une dispute


Je ne m'étais jamais disputée avec ma mère.

Quand j'étais enfant, il n'y avait pas place à discussion, ni à négociation.

Il n'y avait pas de règles dans notre maison, juste l'obligation de ne pas désobéir et de ne pas tenter de négocier quoi que ce soit.

Quand j'ai été assez vieille pour réfléchir par moi-même, ma mère me laissait faire ce que je voulais, mais hochait la tête continuellement. Dans son regard, je voyais souvent plus de déception que de fierté. Elle m'aimait, me le disait sans cesse, mais ne valorisait jamais ce que j'accomplissais.

Mes résultats scolaires étaient sans failles, mais mes succès académiques étaient selon elle une évidence et elle ne s'attendait pas à moins. C'est probablement pour cela qu'elle ne s'est jamais assise avec moi pendant mes périodes d'étude, qu'elle n'a jamais cru bon de s'intéresser à mes divers projets en cours et qu'elle ne venait pas aux rencontres de parents.

Au niveau sportif, il ne se passait pas grand-chose dans ma vie d'enfant. Adolescente, je me suis inscrite de mon propre chef dans l'équipe de badminton de l'école. J'ai joué une année complète, j'ai fait quelques compétitions où, sans me démarquer de façon majeure, j'ai quand même gagné mes épaulettes. Ma mère ne m'a pourtant jamais vue jouée.

Lors de mon bal de finissante, elle a fabriqué ma robe, mais n'en a jamais pris de photo. Je ne sais même pas si elle connaît le nom du beau jeune homme qui m'accompagnait.

Au cégep, elle m'a regardée me casser la figure sans rien dire. J'ai fait mes choix sans aide. Quand j'ai choisi de m'inscrire en soins infirmiers, ma mère était bien déçue. Elle ne comprenait pas mon choix. Encore aujourd'hui, elle remet en doute mes connaissances et questionne chacun des choix de santé que je fais pour mes enfants.

Quand je suis devenue mère, j'ai voulu lui donner une place de choix dans notre vie, dans celle de nos enfants. Elle a pris la place, mais ne semble pas trouver que c'est un privilège ou un cadeau que la vie lui offre de pouvoir être une grand-maman.

Dans notre quotidien, elle est présente et on peut compter sur elle. Elle prend soin de nos enfants, elle les aime, leur tricote des trucs, leur fournis des piles pour tous leurs jouets, leurs achète des cahiers d'activité... mais jamais elle ne joue avec eux. Elle n'est pas comme ça.

Dans mon quotidien, elle m'aide de différentes façons. Parfois, elle plie du linge propre, va payer un compte sur le point d'être en retard, sort la viande que j'ai laissée au congélateur afin que je puisse cuisiner le souper et rapporte les films en retard chez Vidéotron pour m'économiser le 2 $ de frais de pénalité.

Ce soir, je me suis disputée avec ma mère pour la première fois. Je suis tellement différente d'elle qu'il devient parfois difficile de concevoir qu'elle soit ma mère.

Ce soir, je me suis excusée auprès de ma mère et je suis allée embrasser mes enfants, les yeux pleins de larmes de réaliser qu'un jour  ils seront assez grands pour se demander si je suis VRAIMENT leur mère.

4 commentaires:

  1. Moi c'est avec mon père que c'est différent.

    En fait, je croyais que nous étions pareille jusqu'à tout récemment, où j'ai réalisé que je pouvais penser par moi même, avoir une opinion différente... Bref, être moi.

    Gros câlin xox

    PS Je suis persuadé que ce sera différent avec tes enfants parce que tu le sais et tu agis en conséquence!

    RépondreSupprimer
  2. Oh...comme j'ai trouvé ton billet triste, moi qui ai une mère si près de moi, de ce que je suis, de ce que je vis, bien qu'elle sera toujours ma maman et pas une amie, je m'entends bien avec elle et on se ressemble en plusieurs points.

    Je pense que tu es bien placée pour ne pas reproduire ce que tu aimes moins de ta relation avec ta mère. Ce qu'elle fait moins ou ne fait pas t'a manqué, tu t'organiseras sans doute pour combler tes enfants à ces niveaux...

    J'espère qu'il n'y a pas de froid entre ta maman et toi.

    RépondreSupprimer
  3. Ça me fait un peu penser à mon papa, qui n'était pas convaincu de mon choix d'études: théâtre. Un jour, il est venu me voir jouer dans une pièce et après la représentation, il m'a dit que j'étais vraiment à ma place. Ça m'a tellement ému! J'espère sincèrement qu'un jour, ta mère réalisera elle aussi que tu es à ta place dans les choix que tu fais.
    Comme Michèle, je trouve ton billet très triste, puisque j'ai moi aussi une très belle relation avec ma mère. Je trouve difficile de concevoir que ça ne puisse pas être comme ça pour tout le monde...

    RépondreSupprimer
  4. Moi aussi, je suis touchée par ton billet.

    Ma relation avec ma mère est bonne, elle est présente sans être vraiment aidante. Je ne me rappelle pas de moments tendres et comme la tienne, elle s'attendait à d'excellents résultats. Je pense aussi qu'elle avait (et a) des choses à régler. Je souhaite avoir ses forces, mais être aussi la mère qui me manquait.

    Je te souhaite d'avoir une relation de plus en saine avec elle, et moi, sans te connaître beaucoup, tu as toute ma confiance et je suis fière de toi!!!

    RépondreSupprimer