lundi 1 août 2011

Enfant téflon ou parents Tupperware?


              Le jour J est arrivé… vous savez, celui où on se remet en question… encore.  Le jour J, c’est celui que l’on ignore, celui qui nous fait coucou du fond de la salle et que l’on se promet d’ignorer jusqu’au moment où, près de la sortie, on aura plus d’autres options que de le saluer en retour. Le jour J c’est comme un ancien petit ami fatiguant qui ne comprend pas qu’on ne veut pas VRAIMENT rester amis… Et bien, le mien, il est là… mon jour J fatiguant qui m’oblige à me regarder dans le miroir et à faire face à ce que je suis, à ce que je désire, à ce que j’espère… à ce que je ne veux pas être…

                Je suis en couple depuis plus de 10 ans, j’ai une profession, mais pas d’emploi stable, une maison, une voiture, un compte en banque et des responsabilités… Jusque-là, tout baigne. À un moment précis, j’ai pris la décision d’avoir des enfants. Mon conjoint et moi avons décidé, parce que nous nous aimons, de créer un prolongement de notre amour. Un petit être sans défense, qui nous ressemblerait, qui nous aimerait, et que nous aimerions en retour. Encore aujourd’hui, ç’a été la meilleure décision de notre vie.

                Me voilà donc enceinte, le ventre rond de toutes nos espérances, de tous nos désirs, de toutes les angoisses. Avant de te tenir dans mes bras, je pensais que l’amour n’avait pas beaucoup de secrets pour moi. Je croyais que je savais ce qu’était l’amour. Je savais que l’amour n’était pas jaloux, ni mesquin, que l’amour était tendre, respectueux et réciproque. Je savais aussi que l’amour se travaillait, qu’il demandait certains efforts, mais qu’il finissait toujours par triompher. Je le savais parce que je l’avais vu à la télé.

                Le 10 septembre 2005, ton arrivée est imminente. Quelques heures à peine et nous verrions tes yeux, ton nez, tes doigts, tes orteils. Quelques heures encore et nous sentirions ton odeur, entendrions ton pleur… Quelques heures et je découvrirais quelque chose d’encore plus grand que nous… mais je ne le savais pas

                11 septembre 2005, tu es là! Enfin! Mais… tu n’es pas comme tu devrais l’être… Tu es mou, gris, tu ne pleures pas. Couché sur la table d’opération j’essaie de te voir, de t’entendre. Je ne vois rien. Je n’entends rien. Ton père est là. Il essaie de voir. Il essaie d’entendre. Il ne voit rien. Il n’entend rien. Les gens parlent fort, tout le monde se presse. Je ne t’entends toujours pas... mais je vois… Seigneur je vois! Tu es gris. Tu ne pleures pas. L’inhalothérapeute s’affaire auprès de toi. Son regard croise le mien. Je pleure. Elle me sourit et dit : écoutez!.... Je t’entends! Tu pleures! Tu respires! Enfin!!!!!
                Quelques secondes à peine que tu es dans ma vie. Quelques secondes et tu me fais réaliser qu’au fond… avant toi, je n’avais jamais aimé! Quelques secondes où je ne t’ai pas entendu, où je ne t’ai pas vu… Quelques secondes et je savais déjà que je donnerais ma vie pour toi!

                Presque 6 ans plus tard, tu respires… pis on t’entend!!! Tu es grand, les yeux couleur ébène, les cheveux presque noirs. Tu es beau, intelligent et je t’aime sans effort. Tu es brillant, vif et attachant. À 2 ans, tu parlais franc, questionnais sans arrêt sur tout et sur rien. À 3 ans, tu mémorisais des chansons au rythme effréné.  À 4 ans, tu me détestes parce que je ne t’ai pas inscrit à l’école. À 5 ans, tu sais lire, compter, chanter, faire du vélo à deux roues, jouer au hockey et au baseball. À 5 ans tu navigues sur internet, te lamentes que notre bibliothèque manque d’encyclopédie, me supplie pour avoir une planche à roulettes. À 5 ans, tu défies l’autorité, cries à l’injustice dès que tu es puni, refuses de collaborer lorsque ça ne te dit pas. À 5 ans, tu es beau, intelligent et je t’aime sans effort. À 5 ans, l’école m’appelle sans arrêt pour me dire que ça ne va pas, que tu te fâches, que tu cries…que tu ne pleures jamais. À 5 ans, tu choisis de te retirer du groupe pour lire, tu n’accomplis pas tes travaux, tu n’aimes pas être en classe. À 5 ans, tu as des amis, tu les aimes, tu veux les voir. Tes amis viennent parfois à la maison, tu les aides, tu joues, tu ne cries pas. Tu peux passer des heures à t’amuser dehors à faire du vélo, seul. Tu détestes le dessin, n’aimes pas écrire ton nom au complet et refuses obstinément de manger autre chose que du nutella au déjeuner. À cinq ans, tu es beau, intelligent et je t’aime sans effort.
                Mais maintenant voilà… Le jour J se pointe et m’envoie en plein visage la question que je n’ose pas me poser. Où ai-je manqué à mon rôle de mère pour être incapable de te faire entendre raison? Où ai-je manqué de constance pour que tu t’opposes sans arrêt à chaque règle, chaque consigne qui t’est donnée? Où ai-je manqué de fermeté pour que tu croies que tes comportements n’auront jamais de conséquence, de répercussion? Où ai-je failli à ma tâche de mère qui m’empêche de partir travailler tranquille le matin, sans m’inquiéter de ce qui t’arrive, de ce que tu vis?  Qu’ai-je fait qui ne fonctionne pas avec toi, mais qui fonctionne bien avec ta sœur et ton frère? Les voilà, les questions du jour J.  Les questions que tous ceux qui m’aiment s’empressent de repousser du revers de la main en disant : ainsi va la vie. Et bien, c’est aujourd’hui que je me les pose.

                Tu as 5 ans, tu es beau, intelligent et ton avenir est prometteur… Si tu admets que tout n’est pas facile, et que tu développes ta tolérance à la frustration. Ton avenir est prometteur, ton intelligence est supérieure. Les professionnels le disent : qu’allons-nous faire avec cet enfant qui, en maternelle, sait lire et compter? Qu’allons-nous faire avec cet enfant au Q.I  global de 127, qui adore la musique, qui a une mémoire phénoménale et un talent pour les langues? Les professionnels le disent : beau problème madame!...Faudrait juste qu’il arrête de faire à sa tête, qu’il reste assis plus de 3 minutes et qu’il essaie de contrôler ses impulsions. Quand il saura gérer ça…, ça ira!

                Tu as 5 ans, tu es beau, intelligent, attachant et je t’aime sans effort. Je suis ta mère et je me demande quoi faire. Continuer de te faire voir par des spécialistes? Ergothérapeute, pédiatre, travailleuse sociale, intervenant en santé mentale, pédopsychiatre?  Dois-je être plus sévère? Plus ferme? Dois-je t’encourager pour les bons coups et ignorer les moins bons? Dois-je m’assurer que tu mesures l’impact de chacune de tes actions? Dois-je faire de toi un exemple pour tes frères et sœur? Où dois-je simplement garder en tête que tu as 5 ans, tu es beau, intelligent et que je t’aime sans effort?

                Certains disent de toi que tu es un enfant téflon. Que tu te balances de tout. Que tu n’écoutes rien… Moi je dis que tu es un enfant spécial, qui ne comprend pas les incohérences du monde dans lequel on vit. Certains pensent que tu es le résultat d’une éducation déficiente. Que tes parents sont probablement des gens sans valeurs, dépourvus de capacités parentales. Moi je dis… Je dis que je ne sais pas…

Je suis une mère qui fait de son mieux. Je m’inquiète du bonheur de mes enfants. Je m’efforce de leur parler plutôt que de les contrôler.  Je m’efforce de leur expliquer plutôt que de les empêcher.  J’essaie d’être juste, équitable. J’essaie de faire preuve de transparence, d’honnêteté… mes enfants m’ont déjà vu pleurer.  J’essaie, chaque matin, de m’assurer que chacun d’eux ait tout ce dont il a besoin pour vivre heureux, comblé. Je collabore avec la garderie, l’école, le camp de jour. J’essaie de les motiver à faire de leur mieux, à développer leur autonomie, à tranquillement grandir pour devenir des individus autonomes et accomplis. J’essaie de simplement faire ce que toute mère ferait.

 Je flanche parfois devant des yeux pleins de larmes. Je donne souvent du dessert même si le repas principal n’est pas entièrement terminé. J’achète des gâteries si j’arrive à faire mes courses sans m'évanouir d’épuisement. Chez Tim Hortons, j’achète des SmooTim pour pouvoir boire mon café sans qu’il y ait de ligne de piquetage sur la banquette arrière.  Je donne de la gomme pour éviter la crise,  j’offre 10 sous chaque fois que tout le monde s’assoit dans l’auto dans un délai de 15 secondes et par temps chaud, au diable les calories, tout le monde à la crèmerie! Tu n’es pas un enfant téflon… je suis une mère Tupperware! Comme un plat en plastique qu’on met dans le bac du bas au lave-vaisselle, je fonds. J’ajuste ma discipline, je la modèle sur mes instincts du moment. Je déroge à mes propres garanties… surtout celle qui dit que je suis garantie à vie.

Et peu m’importe… Tu as 5 ans, tu es beau, intelligent, attachant… Je t’aime sans effort et sans condition.
         

8 commentaires:

  1. Maman Tupperware, tu es belle, intelligente et attachante, tu es une mère aimante, dévouée et attentionnée. Tes enfants t'aiment sans effort et sans condition. :) Roxanne

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  2. C'est vraiment bien écrit, bravo. Moi aussi je vis avec un enfant qui dérange et je l'aime sans effort et sans condition :)

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  3. Wow!!! Je suis bouchebée... C'est mon quotidien que tu viens de décrire... De pointé du doigt!! A le jour J!! Où devrais-je dire les jours J ... Car parfois on parvient à voguer avec une certaine aisance et un bon matin ... Ce jour J se présente. Je m'écroule et je pleure mais dans les heures qui suivent je me relève et je m'endors!! MERCI!!

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  4. Félicitations maman Tupperware je ne sais pas si j'aurais ta capacité d'adaptation face à ce fameux jour J

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  5. Je vis avec 3 enfant dont un de 6 ans qui correspond au profil du tiens. Il est très intelligent, il sait ecrire et compter par tranche, il divise, il soustrait et aditionne mentalement de facon superieure a son age. MAis il a des gros troubles d'opposition. C'est tres difficile de vivre en famille avec un enfant qui demande le 3 quart de l'attention. Ce n'est pas une question d'amour. Il faut absolument recadrer ces comportements qui risquent de se cristalliser dans leur personnalité et devenir une nuisance pour leur vie adulte. C'Est pour ca qu'il ne faut jamais ceder sur les conséquences avec ces enfants la. Il faut demander de l'aide aussi car on est vite depasser. Manquer de rigueur avec ce type d'enfant est une erreur parentale qui porte a conséquence pour le futur. Ce n'est pas une question d'amour mais de responsabilité. Ils ne peuvent pas etre traités raisonnablement comme les autres, ils ont besoin de plus. Tres difficile, surtout quand il ont une fratrie facile a éduquer.Bonne chance et dis toi que ne pas ceder est un signe d'amour pour lui.

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    1. Bien dit Madame Tupperware et Anonyme. Si votre enfant est intelligent, il l'est aussi pour la discipline. Il voit aussi que s'il nivelle par le bas à l'école (comme mon "maintenant-grand"), il sera plus accepté par ses amis (si c'est important pour lui).

      Les jours où nous sommes plus fatigués (les parents) sont les jours vulnérables et risquent de tout gâcher.

      En anglais, on parle de "gifted child". :) Lâchez pas: plus tard, il visera haut et vous lui répondrez: "Sky is the limit, mon chéri!"

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  6. Un grand merci à vous tous, j'ai pu enfin comprendre et mettre des mots sur le comportement de mon fils qui est un enfant aimé aimant même les maitresses les atsem ont du mal à le punir.
    Je suis sa maman je l'aime plus que tout et vous venez de me faire ouvrir les yeux sur mon fils.

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