lundi 4 février 2013

Je ne me souviens pas de toi


Le jour où tu es né, j'ai promis à qui voulait l'entendre que je serais toujours là pour toi, que tu pourrais compter sur moi.
J'ai juré à qui voulait l'entendre que tu serais un enfant spécial, plein de vigueur et un peu moqueur.
J'ai chanté à ton oreille toutes les louanges qu'une mère peut porter dans sa voix, même si tu ne m'écoutais pas.
J'ai écrit chaque jour de ta vie dans un livre spécialement conçu pour toi, pour que tu saches que je n'avais rien manqué de toi.

Et malgré cela, je ne me souviens pas de toi.

Je t'ai nourri moi-même à chacun de tes repas, pour que tu grandisses vite et que tu ne manques de rien.
J'ai accouru vers toi chaque fois où je t'ai entendu m'appeler... même si ce n'était pas pour te sauver d'un éventuel danger.
J'ai pansé tes blessures imaginaires, celles-là mêmes qui n'ont jamais bleuies ou même saignées.
J'ai pourchassé les monstres sous ton lit, armé d'un balai et d'une passoire, pour que tu n'aies pas peur du noir.
J'ai laissé la porte de ta chambre ouverte chaque soir, pour que tu puisses m'entendre encore un peu avant de t'endormir.
Je t'ai bercé des heures pour te réconforter, pour t'apaiser alors qu'au fond, parfois, c'est moi qui avais le plus besoin de toi.

Et malgré cela, je ne me souviens pas de toi.

Je t'ai acheté de beaux habits pour que tu puisses être fier et souriant en allant voir tes grands-parents.
Je t'ai offert toutes les activités possibles, pour t'aider à rester fier et souriant, pour que tu te sentes toujours un peu plus grand.
Je t'ai accordé tout mon temps pour dessiner, bricoler et cuisiner parce que tu voulais tellement toujours faire comme les grands.

Et malgré cela, je ne me souviens pas de toi.

Je me souviens de tes grands yeux noirs, de tes cheveux bouclés et de ta moue qui me faisait craquer.
Je me souviens de tes éclats de rire lorsque je m'amusais à déposer des bisous dans ton cou en te retenant contre moi.
Je me souviens de tes yeux rieurs quand, avec ton papa, tu jouais à qui m'aimait le plus... Jeu auquel tu gagnais haut la main d'ailleurs!

Je me souviens de tout... et malgré cela, je ne me souviens pas de toi.

Je t'ai perdu le jour où j'ai oublié que j'avais juré que tu serais un enfant spécial... Le jour où je me suis laissé convaincre que tu étais spécial au point où je devais prendre les choses en mains et cacher l'essence même de ta personnalité.
Je t'ai oublié le jour où j'ai trop pensé à ce qui pouvait t'arriver si je ne t'aidais pas à tempérer tes éclats, qu'ils soient de rire ou de fracas.

Deux ans déjà que notre monde à changé de couleur, qu'il a perdu de sa saveur.
Et avec tout cela, toi, te souviens-tu de moi?

7 commentaires:

  1. Il y a beaucoup de tristesse dans ton texte. C'est vrai que parfois, on a l'impression de trahir l'essence même de nos enfants tourbillons...

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  2. En effet... Une fois terminé, ce texte, je l'ai aussi pleuré.
    Demain est un autre jour...
    Merci de me lire MJ!
    Michelle

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  3. Très touchant ! Très émouvant aussi ! XXX

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  4. Que de beaux et triste mots, pour décrire comment je vie au quotidien avec mon fils. J'aurais souhaiter l'écrire... C'est criant de vérité!! Merci MJ xxx

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  5. Si beau, si triste, si vrai..... Tellement plein d'amour pourtant!

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  6. Un texte si bien senti et bien écrit!
    xxx

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  7. Je viens d'avoir une journée horrible avec ma fille de 5 ans qui est TDAH et j'ai les larmes aux yeux en lisant ce texte !! Je trouve ca tellement difficile! Je me suis retrouvé dans ce texte !!
    Merci de le partager !!

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