jeudi 20 octobre 2011

Le doute

            La rentrée scolaire 2011-2012 fut difficile. Alors que je m’attendais à une amélioration, ne serait-ce que minime comparativement à l’an passé, j’ai vite réalisé que ce serait pire. Septembre n’était même pas terminé que mon petit monstre avait déjà deux suspensions à son actif. À ce rythme-là, on ne prévoyait pas se rendre à Noël en cheminement régulier. L’accompagnement en classe tardait à être instauré, le plan d’intervention n’était pas imprimé et la médication toujours en cours d’ajustement. Épuisée, j’ai changé mon horaire de travail afin d’être capable de pouvoir aller cherche mon grand garçon rapidement si l’école ne pouvait plus s’en charger. Je travaillerais de nuit. Finis le téléphone qui sonne en pleine journée. Finis l’incapacité de pouvoir finir un quart de travail sans être interrompu à tout bout de champ. Je ne savais pas quand je trouverais le temps de dormir, mais je considérais que c’était un détail.
            Tout était donc en place : médication ajustée, plus de disponibilité parentale et début du transport en autobus scolaire – donc fin du service de garde. J’étais d’attaque. J’y arriverais.
            Le 16 septembre… plus rien! Que de belles journées pour Alexandre à l’école. Des cercles verts se succèdent jour après jour dans son agenda. Comportement impeccable. Fin des crises de colère. Il accepte de faire ses travaux et de faire ce qui lui est demandé. Son accompagnatrice ne fait qu’intervenir… auprès des autres enfants. Alexandre est fragile, certes, mais il semble être parvenu à s’autocontrôler et commence à être capable de s’autodéterminer.
            Il a réussi à obtenir plusieurs privilèges à l’école, ce qui l’aide à augmenter l’estime qu’il a de lui-même. À la maison, mis à part les réveils nocturnes, il est presque parfait. Il accepte de se faire dire non, ne crie plus après nous, ramasse ses choses, fait ses routines et accepte même de jouer avec sa sœur. C’est presque trop beau pour être vrai.
            C’est tellement beau, que je suis déstabilisée. Mon enfant à moi est calme, il écoute, il se contrôle. Mon enfant dépasse toutes les attentes que j’ai d’un enfant. Mon enfant à l’air encore plus normal que normal. Au point où je me mets à douter. Je doute que mon fils ait un problème. A-t-il vraiment un TDAH? A-t-il vraiment un trouble anxieux généralisé? A-t-il vraiment besoin de tous ces médicaments que je lui administre trois fois par jour? Se pourrait-il que du jour au lendemain, tous se mettent à bien aller… comme ça? Simplement?
            Tout va tellement bien que j’ai envie de croire à une grosse erreur. À un mauvais diagnostic. J’ai envie de croire que c’était une mauvaise passe, qu’il a mûri, que maintenant il saura toujours comment bien se comporter et comment se contrôler devant une situation qui le mettra en colère. J’ai envie de cesser les rendez-vous en pédopsychiatrie, j’ai envie de cesser sa médication, j’ai envie de faire comme si la dernière année n’avait pas existé.
            Honnêtement, je crois avoir versé plus de larmes depuis qu’il va bien que pendant qu’il allait mal. C’est quand tu réussis à changer de pièce dans la maison sans qu’il y ait de crise, c’est quand tu arrives à bercer ton bébé sans que la chicane éclate, c’est quand tu manges un repas chaud et assis sur une chaise que tu réalises que tu brulais la chandelle par les deux bouts… C’est quand tu commences à dormir plus de 4 heures par jour que tu réalises que ton corps ne suivait plus… que le pilote automatique commençait à avoir envie de rendre les armes. C’est quand tu as enfin du temps libre que tu te rends compte que tu ne faisais plus rien depuis longtemps. C’est quand tu réussis enfin à t’arrêter et à respirer que tu es confronté au fait que… c’est une fois sorti de l’enfer que tu te rends compte à quel point c’était difficile.

            J’aimerais tellement que les contes de fées existent réellement. Que mon fils soit soudainement débarrassé de tous ces diagnostics et de tous ces médicaments. Je voudrais qu’il n’ait plus besoin d’une accompagnatrice, d’une thérapie comportementale et de rendez-vous sans fin avec tout plein de gens qui ont tout plein de diplômes…
            Mais je dois me rappeler ceci : si mon fils était diabétique et que j’arrivais à contrôler ses glycémies, je ne cesserais pas de lui administrer son insuline. Si mon fils était épileptique et qu’il ne faisait plus de crise grâce à ses anticonvulsivants, je ne cesserais pas de les lui donner. Si mon fils était asthmatique, anémique, boulimique, leucémique… Bref, vous me suivez n’est-ce pas?
            Reste plus qu’à croiser les doigts pour que les choses continuent de bien aller… pour qu’Alexandre chemine selon ses capacités. Les spécialistes qui nous entourent sont formels : nous ne venons pas de sortir d’un sprint… Nous venons simplement de prendre notre erre d'aller pour poursuivre un marathon qui durera encore plusieurs années…

1 commentaire:

  1. Je t'ai lu toute d'une traite, et je me suis reconnue dans plusieurs de tes textes. Moi aussi, je suis maman d'une petite fille différente, un peu plus vieille que ton Alexandre. Elle a d'ailleurs lu quelques uns de tes textes en me disant qu'elle comprenait comment ton fils se sent.
    Je te mets en lien sur mon propre blog. Même si je n'écris plus souvent, ça demeure un lieu privilégié pour évacuer le trop plein.

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