mercredi 12 octobre 2011

La pomme ne tombe jamais bien loin de l'arbre

     Je dois l'admettre. Mes inquiétudes face aux problématiques de mon fils m'ont poussé à me questionner sur moi-même. J'ai dû m'arrêter un instant et réfléchir à ce qui me perturbait le plus : savoir que mon fils souffre d'un TDAH, d'un TAG et d'un TOP... ou réaliser que mon fils me ressemblait un peu, beaucoup, passionnément... à la folie.

     Enfant, j'ai toujours eu beaucoup de difficulté à tenir en place. Je ne courais pas partout, je ne sautais pas partout, je ne criais pas non plus... mais je parlais. Sans arrêt. Du lever du soleil à l'apparition de l'astre de la nuit. Je commentais tout. Je questionnais sur tout. Je ne bougeais pas dans mon corps, je bougeais dans ma tête.

     Je créais mes propres scénarios de film : de la comédie romantique au drame psychologique. En classe, je faisais tout sauf écouter. Je dessinais, je gribouillais, je classais des feuilles, je retranscrivais des choses dans mon agenda. Parfois, j'étais interpellé par l'enseignant pour répondre à une question... et je m'en sortais! Va savoir pourquoi, je n'échouais jamais.

     J'ai fait mon parcours secondaire dans les classes enrichies : physique , chimie, biologie. Mon dernier bulletin de cinquième secondaire était prometteur : 95 % de moyenne générale... 103 absences. Je faisais à la maison ce que je n'étais pas capable de faire en classe en raison des multiples distractions, c'est-à-dire : APPRENDRE.

     Arrivée au CÉGEP, c'est la dégringolade. Inscrite en sciences de la santé, je n'arriverai tout simplement pas à écouter ce que mes enseignants me racontent. Contrairement au secondaire, je dois travailler d'arrache-pied pour arriver à suivre le rythme. Après quelques semaines : j'abandonne. Je me retrouve en sciences humaines avec mathématique. Les choses reviennent à la normale. Sans écouter, sans fournir d'effort, j'arrive à obtenir des résultats moyens. Je suis insatisfaite. Je n'ai pas été habitué à cela.

     Après mon DEC, je prendrai 6 mois de pause. J'ai besoin de réfléchir. Que vais-je faire de ma vie? C'est à ce moment que je rencontre mon amoureux. Je commence ma vie d'adulte.

     Bien consciente que je n'ai pas de diplôme pertinent en poche, je m'inscris en soins infirmiers. Ce sera difficile, mais je passerai à travers les 3 années de formation. J'aurai de bons résultats, mais, fidèle à moi-même, je terminerai tous mes travaux à la dernière minute, j'étudierai la veille des examens, mais je performerai.

     Je détesterai pratiquement tous les stages : j'ai horreur d'être suivi à la trace, je déteste l'autorité. Malgré tout, je réussirai chaque fois, avec de très bons commentaires sur mes aptitudes, sur mes connaissances, sur ma qualité de future infirmière.

     J'intégrerai le marché du travail comme infirmière en 2004. Je travaillerai à peine une année avant ma première grossesse. Je reviendrai sur le plancher en 2006 pour repartir fin 2007 pour ma seconde grossesse. Quand je reviendrai en 2009, je n'y arriverai plus.

     Infirmière à l'urgence, je réalise rapidement que je ne suis pas en mesure de répondre aux demandes multiples. Ma vie familiale débordante de responsabilités et de nouvelles tâches à accomplir, je craquerai... Je suis incapable de me concentrer.

     En septembre 2009, je suis enceinte de mon troisième enfant. Je travaille depuis peu à la centrale Info-Santé de Montréal. J'y serai très heureuse. Un client à la fois, une demande à la fois, mais surtout : le temps de réfléchir.

     Suite au début de la maternelle de mon fils, je rencontrerai une psychologue qui m'expliquera ceci : « Vous avez un TDAH. Plusieurs adultes en sont atteints. Un traitement pourrait changer votre vie. »

     Mon fils et moi avons donc débuté notre traitement pour le TDAH en même temps! Et ça a changé ma vie.

     Avec les années, les demandes multiples, que ce soit au boulot ou à la maison, ont fini par me rendre anxieuse. Je n'arrivais pas à m'organiser, à faire les choses dans un ordre logique. Maintenant, j'y arrive. Les pièces du casse-tête se placent enfin au bon endroit dans ma tête. Je suis capable de raisonner. J'ai mis fin à mon anxiété... surtout celle d'oublier de faire les choses que j'avais à faire.

     Ma mère a toujours dit non au Ritalin. Son discours : tu as besoin de bouger! Aujourd'hui, j'ai un enfant qui, comme moi, a de la difficulté à organiser sa pensée et son travail. Il est brillant, il apprend vite et sa vivacité est surprenante. Comme parent, nous aurions pu nous battre contre le système et repousser du revers de la main les traitements pharmacologiques. Nous ne l'avons pas fait.

     J'ai vécu 30 années avec un TDAH non traité. J'ai survécu. J'ai réussi mes études. Je suis allée à l'université. Mais j'aurais peut-être fait mieux si on m'avait aidé au moment où j'en avais le plus besoin. Si les neurostimulants sont controversés aujourd'hui... vous imaginez bien qu'ils l'étaient aussi dans les années 80. Je ne reproche rien à personne. Je suis par contre bien consciente que si je ne viens pas en aide à mon fils maintenant.... il sera déçu de son parcours plus tard...

     Mon fils me ressemble. Il a certaines de mes forces, et certaines de mes faiblesses.

     Et comme on le dit souvent :  la pomme ne tombe jamais très loin de l'arbre...

                             

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