mercredi 28 septembre 2011

In mémoriam

- Maman, le monsieur était sûrement très fâché après ses enfants pour faire ça hein?

- Je ne sais pas mon amour. Je ne sais pas pourquoi il a fait ça…

- Maman? Des fois mon papa se fâche…Est-ce qu’il pourrait faire ça?...

- Je ne crois pas mon amour… Papa vous aime très fort ta sœur, ton frère et toi…

- Maman?... Ça veut dire que le monsieur ne les aimait pas ses enfants?

- … Il l’est aimait sûrement mon amour…….. (silence)

- J’ai de la peine maman…parce que ma sœur s’appelle Anne-Sophie….

Discussion avec mon fils de 4 ans au moment des meurtres d’Anne-Sophie et Olivier Turcotte


M. Laporte,

    Ce soir, j’ai eu envie de vous écrire. Je viens de lire votre chronique : "La vie ne vaut rien" et j’ai envie d’y ajouter quelque chose. Depuis les meurtres des enfants Turcotte, le Québec est ambivalent. Folie passagère, acte prémédité, colère, dépression, blessure, adultère… Peu m’importe. Mardi, jour où les membres du jury assignés au procès ont décrété que M. Turcotte n’était pas criminellement responsable de ses actes, bien des cœurs ont été meurtris et bien des femmes ont mis un visage sur leur crainte la plus atroce.

    À l’ère des conjoints de fait, des unions libres, des conjoints jetables…, plus rien n’a de valeur. Les couples se créent et se brisent au gré du vent. Des enfants naissent… mais plus tous égaux. Car à peine ont-ils poussés leur premier cri que les statistiques ont tôt fait de les remettre à l’ordre… Leurs parents ne seront probablement plus ensemble avant leur cinquième anniversaire.

    Je songe à ces femmes monoparentales qui laissent, une semaine sur deux ou un week-end sur deux, leur enfant partir avec leur ex-conjoint et qui attendent impatiemment, à l’heure prévue du retour, de serrer leur enfant dans leurs bras. Je songe à ces femmes qui ont eu le courage de mettre fin à leur relation conjugale en sachant très bien que dorénavant, 15 minutes de retard leur paraîtra sans fin. Je pense aussi aux pères qui, lorsqu’ils seront coincés dans les embouteillages, sauront qu’ils trouveront une mère inquiète, tétanisée par tous les scénarios sordides qui prendront maintenant vie dans son imagination. Toutes les séparations ne sont pas aussi désastreuses... mais certaines le sont.

    Je songe à tous ces pères qui porteront l’odieux de prouver qu’ils sont équilibrés et aptes à prendre soin de leur enfant. À ces hommes qui n’oseront plus laisser paraître leur faiblesse par crainte de devenir l’ennemi numéro un. Par crainte qu’on ne leur fasse plus confiance.

    Que des parents choisissent de se séparer ne me regarde pas. Que ces mêmes parents optent pour la garde partagée ne me regarde pas non plus. En fait… je ne m’inquiète  pour eux, mais aussi pour ces couples silencieux, dont on entend jamais parler...

    Depuis mardi, les femmes qui vivent une relation conjugale difficile et qui songeaient à quitter le nid familial n’y songent probablement plus. Tout simplement parce que depuis mardi…la vie ne vaut rien…

    Depuis mardi, le meurtre n’a plus d’éducation ni de classe sociale. Le meurtre n’a plus de situation financière… le meurtre n’a plus de santé mentale. Depuis mardi, une femme qui désire quitter un homme violent (que ce soit physiquement ou psychologiquement) hésitera à le faire par crainte que l’impossible arrive…parce que dorénavant, elle sait que l’impossible peut arriver…même dans les meilleures familles.

    Ce texte est peut-être d’une piètre valeur journalistique, mais il ne vous est pas uniquement envoyé pour être publié. Ce texte est une demande faite par une femme qui veut en aider d'autres. Vos chroniques marquent l’esprit et le cœur de ceux qui les lisent. Alors de grâce, faites savoir aux femmes que la valeur de leur vie est trop précieuse et qu'elles ne doivent pas demeurer dans la crainte. Dites à ces femmes que des ressources sont à leur disposition, sans frais et de façons confidentielles. Parlez-leur des centres pour femmes violentées, des lignes d’écoutes, du service 811, du CAVAC… Parlez-leur de l’importance de savoir qu’il a des moyens, des façons de faire, des procédures qui peuvent être mises en place pour les protéger, elles et leurs enfants. Dites-leur que la crainte ne les aidera pas… que l’aide existe.

    Vous avez un jour écrit que vous trouviez fascinant de voir que lorsqu’un adulte interagit avec son enfant, une mère ne regarde qu’une seule chose : son enfant. La mère d’Anne-Sophie et Olivier ne verra plus jamais ses enfants…C’est une mère blessée de trop… Ce sont deux enfants partis beaucoup trop tôt…

    Je suis mère de 3 enfants. Je ne suis ni juriste ni journaliste. Je ne juge pas le travail fait par les 11 jurés. Je ne porte ni la cause des femmes ni celle des hommes sur mes épaules. Je suis simplement la mère de 3 enfants : Alexandre, Anne-Sophie et Maxime… Et quand leurs regards se tournent vers le monde qui les entoure, le mien reste tourné vers eux.




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